EBAUCHE D'UNE REFLEXION SUR L'EPREUVE DE LA REALITE

Publié le 11 avril 2024 à 23:09

« Tu porteras ta croix ? »

Ou bien « Lève-toi et marche, tu vas gagner ! »

 

 

 

Parler du réel c’est en même temps parler du rêve et reconnaître l’importance et la fonction de ce dernier. Le rêve qui permet de compenser est le moteur de l’évolution de l’humanité en ceci qu’il représente la forme primitive de l’invention qui, lorsqu’elle s’élabore, donne à l’homme sa noblesse intellectuelle et le désigne comme seul être vivant ayant une histoire.

 

Passer du rêve à la réalité consiste d’une certaine façon à sortir des constructions qui n’engagent à rien, des essais et des jeux que l’on fait pour apprendre, comme au tableau noir de l’école où l’on peut effacer ses erreurs et où les additions fausses ne ruinent personne. Il est donc un moment où l’on doit cesser de faire semblant, renoncer au jeu, faire « pour de vrai », sortir de l’enfance où règne l’irresponsabilité doucereuse avec les permissions, les autorisations et les punitions. S’assumer sans avoir de compte à rendre à personne et devenir adulte afin d’échapper à la crainte du qu’en dira-t-on, ce que l’on a appelé « l’univers morbide de la faute » qui habite les esprits régis par le sentiment de culpabilité.

 

Prendre conscience du fonctionnement de la culpabilité et démonter ses mécanismes constitue une sorte de passeport pour la liberté, le bonheur et la réussite dans la vie. Trop d’individus sont encore manipulés à des degrés divers par le biais de ce sentiment qui, comme tout ce qui régit l’humain, est très bien récupéré par la société. Gardons-nous cependant d’un développement exhaustif et hâtif des composantes de cette instance psychique qui serait mal accepté par le profane…

 

Dire que c’est un sentiment maudit n’est guère exagéré car pour qui le supporte, la vie n’offre plus que des perspectives d’échec. La chose est très simple à décrire, mais beaucoup moins évidente à découvrir et à ressentir quand on la porte en soi. C’est un mécanisme insidieux qui remonte à l’enfance et qui s’installe en douceur, un peu comme une petite douleur qui serait apparue progressivement, de telle sorte qu’à la longue on ne la sente plus : on vit avec, elle fait partie de notre existence. Dès lors, ce complexe vit en nous exactement comme un membre de notre corps que nous entretenons et protégeons bien entendu. C’est la loi de la récupération.

 

On comprend aisément qu’un tel état d’âme ne puisse être perçu que s’il cesse, exactement comme ce vieil inconfort intestinal avec lequel on vivait depuis longtemps et qui revient à la conscience le jour où il cesse à la faveur, par exemple des vertus du thym ; on se dit « Comme je me sens bien tout d’un coup ». Mais hélas, pour la culpabilité, la prise de conscience n’est pas facile et pour ma part, j’ai dû batailler des années sur le divan Freudien avant de m’en sortir. Ce genre d’état d’âme angoissé, culpabilisé, aboutit toujours à rabaisser l’individu par rapport à ses semblables sans qu’il ne le perçoive clairement. C’est l’inconscience de ce sentiment qui qui plongera la jeune fille amoureuse dans un univers d’esclavage vis-à-vis de l’homme qu’elle aime et qui profite d’elle sans qu’elle puisse en espérer le moindre sentiment ni la moindre attention. Et pourtant son intelligence et son charme la placent bien au-dessus des qualités de l’homme qu’elle a choisi ! Mais elle ne le perçoit pas.

 

Ce point mériterait certes d’avantage de nuances et un plus long développement, mais il cerne à lui seul une grande partie du problème. Il est totalement erroné de croire que dans une relation entre deux êtres il y a toujours un rapport de force avec un gagnant et un perdant. Il doit y avoir égalité dans un esprit de fraternité réciproque.

 

Antoine de Saint-Exupéry avait magnifiquement écrit “Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction.” Ainsi nous n’aurions pas l’idée d’aller habiter un logement sordide quand nous pourrions nous payer une villa au bord de la mer. Et inversement, à quoi servirait-il de se lamenter de ne pouvoir conduire une Ferrari quand on aurait juste assez pour se payer une mobylette qui suffirait, pour l’heure, très largement à nos besoins ? Pour compléter cette réflexion, j’aimerais citer ici l’histoire du « Vilain petit canard » que nous lisions enfant dans les Contes d’Andersen : il faut connaître sa valeur et ne pas se faire injure en s’infligeant des mauvais rôles.

 

 

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