MAI 68 QUAND L'IMAGINATION PRIT LE POUVOIR

Publié le 29 janvier 2024 à 04:25

C’est en mai 1968 que je décidais (enfin) de quitter le domicile familial pour vivre ma vie. C’était l’époque de la Fac de droit à Nice où Serge Reggiani était venu chanter « Les loups sont entrés dans Paris ». C’était aussi le temps des militants pour la paix au Vietnam quand, comme un rolling stone, Bob Dylan chantait dans le Juke box ; le temps d’Otis Redding et du Rhythm and Blues ; le temps des slogans « faites l’amour, pas la guerre » mais c’était aussi l’assassinat du pasteur Martin Luther King qui avait eu le tort de faire « le Rêve de la Fraternité ».

Comme la culture, la musique est ce qui réunit ; c’était notre drogue à tous et nous passions des heures la nuit autour d’un feu de sarments sur la plage, en bout de piste de l’aéroport de Nice, à chanter avec notre copain Chris qui jouait de la guitare. Cette musique était la nôtre, c’était notre monde à nous, pas celui des parents. Et quand la guitare de Keith Richard explosait les haut-parleurs dans nos caves, c’était toute notre rage de vivre qui prenait le dessus balayant les interdits d’une éducation étriquée et des croyances débiles. Déjà, en 1964 ce mouvement s’annonçait avec des messages comme « Les temps changent », ce morceau de Bob Dylan. Mes pauvres parents ne pouvaient pas comprendre et j’étais poussé par cette musique jusqu’au jour où j’ai sauté le pas.

Au printemps 1969, armé d’un toupet incroyable, sans jamais avoir touché aux platines de studio je me suis présenté à la porte de la discothèque la plus en vue de la baie des Anges pour proposer ma candidature de Disk Jockey. Et ça a marché ! Jan le Disk Jockey était né, comme sorti de nulle part et qui ne ressemblait en rien à l’instituteur voulu par ses parents. Pendant quatre ans, j’ai appris à faire danser les foules qui réclamaient sans cesse les derniers tubes de l’été, mais qui ne remarquaient pas que dans la continuation des rythmes se glissaient des morceaux de vrais musiciens qui n’avaient rien à voir avec les faiseurs de bruits à la mode. Et tous mes amis qui voulaient s’évader l’espace d’une soirée, venaient écouter leur musique préférée, celle des Cream, de Jimi Hendrix, Janis Joplin, Frank Zappa, Rolling Stones, Jeff Beck, Les Who, Jethro Tull, Howlin’Wolf, Taj Mahal, Soft Machine, etc.. tous les groupes qui s’étaient produits au festival de Woodstock et j’en passe. Il y avait également les fans de Léo Ferré, Léonard Cohen, Bob Dylan etc…

Cette musique fut pour moi une source de vie, qui s’inscrivait dans la continuation de ces instants magiques où j’écoutais jadis la symphonie Pathétique n°6 de Tchaïkovski sous la baguette du célèbre Igor Markevitch. Comme l’avait dit d’une certaine façon le guitariste Jimi Hendrix, « la musique ne ment pas, elle parle au cœur » et la magnifique chanson « We are the world » de Michael Jackson et Lionel Richie donne toujours le frisson, l’espoir qu’en chantant, nous pouvons toucher nos cœurs. Allez sur le site Music for change et vous comprendrez de quoi je veux parler.

Dans le salon de notre maison à Alger, parmi toutes sortes d’objet en lien avec la vie musicale, il y avait un cadre portant une citation de Platon disant à peu près ceci : « La musique est une loi morale ; elle donne une âme à l’univers, des ailes à la pensée, un essor à l’imagination, un charme à la tristesse, de la gaîté et de la vie à toutes choses… ». On dit aussi qu’elle adoucit les mœurs, mais pour nous les jeunes de mai 68, elle permettait de crier notre envie de vivre ; certains diront plus tard qu’il fallait être heureux avant d’être vieux. Mais ce qui m’a le plus marqué ce fut John Lennon, avec son « Give peace a chance » en 1969 puis en 1971, l’album « Imagine » : « Imagine there’s no countries / Imaginez qu’il n’y ait pas de pays, Nothin’ to kill or die for / Pas de raison de tuer ou de mourir /No religion too / Pas de religion non plus,……..Imagine all the people / Imaginez tous les peuples, Livin’ life in peace / Vivant en paix, You may say I’m a dreamer / Vous pouvez dire que je rêve, But I’m not the only one / Mais je ne suis pas le seul ». Les prises de position excessives de cet artiste contre la guerre (entre autres) lui valurent des ennuis avec le FBI et en 1972, avec tous mes amis de la nuit, j’avais signé la pétition pour protester contre la décision du gouvernement américain de l’expulser des Etats-Unis. Nous étions tous des John Lennon et la merveilleuse mélodie qui enveloppait ses paroles de paix résonnait dans nos cœurs meurtris par l’incompréhension d’un système dont nous ne voulions plus. Son assassinat en 1980 nous a bouleversés.

 Que dire alors du destin de ces hommes de paix ?

-       Abraham Lincoln, président Américain assassiné en 1865 ;

-       Jean Jaurès Président du Conseil Français assassiné en 1914 ;

-       JF Kennedy Président Américain assassiné en 1963 ;

-       Pasteur Martin Luther King assassiné en 1968 ;

-       Anouar El Sadate, Président Egyptien assassiné en 1981 ;

-       Yitzhak Rabin, Premier Ministre Israélien assassiné en 1995 ;

-       Et combien d’autres encore…

Des prix Nobel de la Paix, ou des artisans de l’égalité entre les hommes et la fraternité.  C’est troublant ne trouvez-vous pas ? A qui cette paix et ces messages de fraternité et d’amour entre les hommes font-ils si peur ? Et on pourrait remonter ainsi des siècles et des siècles en arrière jusqu’à un certain Jésus qui avait dit « Aimez-vous les uns les autres » et qui fut crucifié.


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